Quels armes juridiques face aux abus des sociétés de recouvrement ?

Dans la cadre des procédures de recouvrements amiables de créances, des risques de dérives existent. Le droit français français offre des moyens de réponses.

Lorsqu’une entreprise émet une facture et que son débiteur tarde à payer, trois hypothèses s’offrent à elle :

  • recouvrer ses créances elle-même ;
  • recourir au recouvrement amiable par l’intermédiaire de tiers spécialisés et réglementés (sociétés de recouvrement ou huissiers de justice) ;
  • opter pour le recouvrement judiciaire par des professions réglementées (huissiers de justice ou avocats).

Dans le souci d’éviter les coûts inhérents aux procédures judiciaires, il est courant que des entreprises, disposant d’un droit de créance à l’égard de certains de leurs clients, fassent appel à des sociétés spécialisées dans le recouvrement de créances – dans le cadre d’une procédure amiable.

Or, depuis plusieurs années, les pratiques de certaines sociétés de recouvrements sont critiquées- La garde des Sceaux ayant même été interpellée sur certains abus fin 2012.

Ainsi, quelles sont donc ces sociétés de recouvrement ? Quel droit leur est applicable ? Quels sont les risques de dérives ? Et surtout, quel arsenal juridique offre le droit français pour y mettre un terme ?

Quel droit est applicable aux sociétés de recouvrement ?

L’activité des sociétés de recouvrement est réglementée par les articles R. 124-1 à R. 124-7 du code des procédures civiles d’exécution.

Cet encadrement juridique instaure le respect d’un certain nombre d’obligations à la charge des personnes susceptibles de procéder à de tels recouvrements.

Il s’agit principalement des obligations des sociétés de recouvrement à l’égard de leurs clients, mais aussi à l’égard des débiteurs de ces derniers.

Les obligations des sociétés de recouvrement à l’égard de leurs clients sont de plusieurs ordres, à savoir :

  • la souscription d’un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle;
  • la création d’un compte dans un établissement de crédit agrée, exclusivement affecté à la réception des fonds encaissés pour le compte des créanciers ;
  • la conclusion d’une convention écrite avec le créancier stipulant qu’il est donné pouvoir à la société de recouvrement de recevoir pour le compte de celui-ci ;
  • dès que la société de recouvrement obtient un paiement total ou partiel ou une proposition du débiteur de s’acquitter de sa dette, elle doit en informer le créancier.

Concernant leurs obligations au regard du recouvrement amiable lui-même, les sociétés de recouvrement doivent adresser au débiteur un courrier qui doit respecter un certain nombre de mentions :

  • leurs coordonnées ;
  • l’indication qu’elles exercent une activité de recouvrement amiable ;
  • le nom et les coordonnées du créancier ;
  • le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et accessoires ;
  • indiquer, par la forme de mise en demeure, la nécessité de payer la somme réclamée tout en respectant les modalités de paiement et la reproduction des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 111-8 du code de procédure civile d’exécution. Cette disposition est d’importance car elle précise que le débiteur n’a pas à supporter les frais du recouvrement dès lors qu’il n’existe aucun contrôle judiciaire et titre exécutoire. Ceci s’explique par le fait que ces sociétés de recouvrement interviennent dans le cadre d’une procédure amiable.

Ainsi passées en revue, il est important de noter que le non respect de certaines de ces obligations par les sociétés de recouvrement est susceptible d’entrainer, dans certains cas, des sanctions pénales (amendes prévues pour les contraventions de 5ème classe, soit 1.500 euros d’amende).

Les risques de dérives de certaines sociétés de recouvrement

Bien qu’elles ne concernent qu’une minorité de sociétés de recouvrement, les risques d’abus existent, en témoignent un certain nombre de décisions de justice.

Trois reproches sont principalement faits à l’encontre de certaines sociétés :

  • faire payer aux débiteurs des frais de procédure indus (facturation du courrier de mise en demeure et de l’émission de la quittance) : Cette pratique est bien entendu illégale au regard de l’article L.111-8 ;
  • rechercher à recouvrer des créances prescrites par la loi. Ainsi, afin d’éviter de s’acquitter d’une dette qui n’aura plus de raison d’exister, il est conseillé au débiteur de bien vérifier que la créance est toujours exigible ;
  • d’user de méthodes à vivement impressionner les débiteurs. Cela peut se matérialiser de différentes manières, comme par exemple des appels téléphoniques répétitifs (parfois tardifs, se poursuivant même le week-end), le fait d’informer l’entourage du débiteur de l’existence de ses dettes, l’usage d’un ton menaçant, l’existence de courriers comprenant des titres d’en-têtes suscitant la crainte  (DERNIERS AVIS AVANT POURSUITES JUDICIAIRES, AVIS D’INJONCTION DE PAYER, etc …), le fait de menacer d’envoyer des huissiers au domicile du débiteur pour saisir les biens (ces menaces sont purement gratuites et n’ont aucune raison d’être car un huissier ne peut opérer une saisie en l’absence d’un titre exécutoire délivré par un juge), …

Les risques de dérives existent. Quels sont donc les moyens juridiques permettant d’y faire face ?

Les armes juridiques face à ces abus

Ce type de comportements est susceptible d’être sanctionné sur le plan civil et pénal.

Sur le plan civil

Tout d’abord, rappelons que les abus des sociétés de recouvrement sont de nature à entrainer l’engagement de leur responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle, dès lors qu’une faute de leur part aura occasionné un préjudice chez le débiteur.

C’est d’ailleurs à ce titre que les sociétés de recouvrement ont l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité professionnelle (article R. 124-2 du code des procédures civiles d’exécution).

Sur le plan pénal

Certains comportements abusifs des sociétés de recouvrement sont susceptibles de revêtir de multiples qualifications pénales.

L’infraction d’abus de confiance tout d’abord lorsque par exemple la société conserve le montant des créances recouvrées ou encore lorsqu’elle facture des frais au débiteur.

Il est également possible d’envisager le délit d’usurpation d’identité sur le fondement de l’article 433-13 du code pénal sanctionnant « le fait pour toute personne d’exercer une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics ou ministériels » mais aussi « d’user de documents ou d’écrits présentant, avec des actes judiciaires ou extrajudiciaires ou avec des actes administratifs, une ressemblance de nature à provoquer une méprise dans l’esprit du public ». Cette poursuite pourrait être envisagée dès lors qu’une société de recouvrement, qui, rappelons le, ne peut agir que sur le terrain amiable, userait de lettres de relance qui ressembleraient à des actes d’huissiers de justice (sommation ou commandement de payer).

Enfin, dans l’hypothèse où les sociétés de recouvrement feraient preuve d’un comportement trop agressif, elles seront susceptibles d’être poursuivies pour :

  • abus de faiblesse d’une part, délit consacré par l’article 225-12-2 du code pénal. Dans cette hypothèse cependant, l’infraction sera constitué pleinement que lorsqu’il sera établi l’état de faiblesse du débiteur – et la connaissance de cet état par la société ;
  •  violence d’autre part – cette notion est en effet entendue largement. En effet, pour être sanctionnées, ces violences n’impliquent pas un contact physique entre la victime et l’agresseur. La Cour de cassation a ainsi jugé que ces faits pouvaient être réprimés dès lors qu’ils étaient de nature à impressionner et causer un trouble psychologique à la victime (Cass.crim, 2 sept. 2005) ;
  • persécutions téléphoniques, réprimées par l’article 222-16 du code pénal punissant d’un an d’emprisonnement et de 15.000 d’amende « les appels téléphoniques malveillants réitérés (…) en vue de troubler la tranquillité d’autrui ».
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